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Poutine, au risque du pardon.

L’approche de la médiation appliquée à l’actualité peut nous donner des clés pour dénouer la crise actuelle. En l’appliquant au « discours » de Poutine pour annoncer la reconnaissance des républiques « autonomes » d’Ukraine et la déclaration de guerre, quelques éléments de compréhension émergent. Car ce discours est intéressant tant sur le fond que sur la forme.

Sur la forme, il se déroule dans ce qui est présenté comme son bureau de travail. En témoignent les téléphones alignés, l’écran d’ordinateur et le clavier, la table avec dessus cuir et le fauteuil.  La position de Poutine, enfoncé dans son fauteuil, de biais par rapport à la caméra et à la table, une main sur le bureau une autre sur l’accoudoir donne un caractère presque familier à sa présence. Ceci permet à la fois de s’introduire chez les personnes sans vouloir « impressionner » mais aussi de montrer qu’il n’a pas peur de déclarer la guerre à l’Occident. Son visage est imperturbable et n’exprime pas d’émotion. Toutefois, à certains moments, il se crispe et exprime de la colère.

 

Sur le fond, il rappelle la demande faite auprès de Clinton d’intégrer l’Otan et surtout le refus méprisant qu’il s’est vu opposé par celui-ci. Voilà le « sous-jacent » de la position de Poutine : le sentiment d’avoir été humilié, et à plusieurs reprises, par les puissances Occidentales. Son attaque de l’Ukraine, sa volonté d’aller « jusqu’au bout » est animée par la colère provoquée par les humiliations précédentes. Il lui faut laver l’affront.

 

On le voit, en médiation, le premier enjeu est de ne pas se laisser aveugler par les motifs officiels du conflit (Ici la sécurité de la Russie) mais d’identifier la cause profonde sous-jacente au conflit. Car l’issue du conflit ne dépend pas de la solution apportée au(x) motif(s) affiché(s) mais bien de la réparation qui sera trouvée à la blessure originelle. Le seul fait qu’un tiers la reconnaisse et la nomme est un élément de la réparation, par la reconnaissance. Mais cela ne suffit pas : la reconnaissance par l’autre partie est fondamentale. Ensuite, cette réparation peut nécessiter des gestes concrets voire une demande de pardon.

 

Encore faut-il que la partie blessée soit prête à entendre une telle demande et à l’accorder. La profondeur de la blessure, son ancienneté, sa répétition, sa visibilité sociale… nombreux sont les facteurs qui conditionnent la possibilité de ce pardon. Mais, la condition primordiale est le désir des parties de renouer la relation. Ce désir peut naitre de raisons émotionnelles (« il est de ma famille » ; « j’ai besoin de son amour »…) mais aussi de raisons rationnelles : « J’ai besoin de l’autre dans le futur » ; « si je le tue, je me tue ».

 

La demande de pardon de la part d’un Etat n’est pas très courante. Elle est apparue récemment avec la reconnaissance de crimes commis dans le passé, pendant la seconde guerre ou lors de la colonisation. Peut-elle se faire dans la tension du présent ? Rien n’est moins sûr pourtant, eu égard aux enjeux, cela vaut la peine de s’y risquer.

 



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