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Etre et Habiter l’espace.

La question de l’espace représente symboliquement et matériellement, un enjeu important du point de vue identitaire.

 

« Quelle est ma place ? » : cette question est souvent posée et recouvre une question identitaire essentielle. Comment suis-je reconnu socialement ? Quelle est ma singularité mais surtout est-ce que la communauté me reconnait un rôle, particuliers ou pas, dans la société ? En amont de cette question, se pose souvent celle de savoir comment on affirme son identité, comment on revendique son droit à occuper un espace, à avoir un rôle, dans la société.

 

L’espace, c’est aussi physiquement, la zone géographique que chacun occupe.

A titre privé, c’est la « maison » que l’on occupe. « La maison »,  c’est un lieu de vie mais c’est aussi, de façon plus ou moins discrète, un lieu de mémoire et un lieu de ressourcement, la « grotte ». Il est reconnu que l’espace que l’on habite est le reflet de notre espace intérieur.  Quelle conclusion tirer des espaces non occupés au sens où ceux qui y vivent, ne l’investissent pas ? Seuls y ont leur place les objets permettant de réaliser les fonction première de stockage ou de satisfaction de besoins : manger, dormir, travailler éventuellement. Le lieu reste d’une neutralité « parfaite » totalement privé de « décoration ». Reflet d’un vide intérieur, d’une volonté de se cacher aux yeux des autres ou tout simplement de se prémunir de la souffrance d’un changement obligeant à abandonner un lieu habité ?

Un espace non habité peut autant être un espace très encombré, résultat d’une logique d’accumulation. Celle-ci peut -être le résultat d’un sur-investissement technologique pour répondre aux fonctions à satisfaire, mais aussi une réponse à des besoins psychologiques : consumérisme existentiel, peur du vide, besoin de se protéger,

 

Cet espace de vie, de mémoire et de ressourcement peut donc se retourner contre son occupant en lui faisant littéralement perdre sa place de différentes façons :

   accumulation d’objets - plus d’espace pour vivre, circuler ;

   refus de tout investissement « affectif », plus d’espace pour se ressourcer ;

   inversement sur-investissement émotionnel, enfermement dans la « maison » que l’on ne peut plus quitter.

 

Dans l’entreprise, une tendance existe aussi d’un désinvestissement croissant de l’espace, qui doit rester neutre : espaces ouverts ou partagés mais aussi espaces interchangeables et focalisation des salariés sur leurs objectifs professionnels. Il est des entreprise dont la politique impose explicitement cette neutralité en interdisant tout objet ou affichage personnel. Cette politique d’entreprise est l’instrument, au même titre que le renforcement des processus,  de l’interchangeabilité des personnes. Là aussi, en filigrane, se dit le risque pour le salarié de perdre à tout moment sa place.

Mais cette politique n’est -elle pas aussi l'expression du désir de ne pas se dévoiler, d'échapper au jugement sur ses valeurs et finalement de refuser tout investissement affectif ? A l'inverse, les start-ups qui investissent l'espace de travail pour en faire un lieu de convivialité et d’échanges, mettent en avant leur mission et leurs valeurs et cherchent à créer un esprit "communautaire".

 

Il y aurait enfin à interroger les lieux religieux (monastères, églises, ...). On peut clairement observer une tension entre le désir d'habiter cette espace (regardons les Eglises et le "fouillis" de bougies, ex voto, affiches,...) et le souci de permettre à chacun de se retrouver dans un lieux "neutre" voire, pour les monastères, de ne pas "encombrer" l'espace pour lui garder sa simplicité préservant de tout « divertissement ».  Il y a, là aussi, l'expression d'une tension entre faire de ces espaces, un lieu d'humanité (regardons les temples indiens et la multitude d'offrandes données et reçues dans son enceinte.) et un lieu dont la permanence échapperait à l'impermanence du vivant : l'anonymat du moine, comme celle du fidèle, est clairement recherchée comme un chemin d’humilité mais aussi comme une façon de garantir la pérennité de la communauté par delà les vicissitudes humaines.

 

 

 

                      

 

 



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